Nous jouons un jeu dont je ne connais pas les règles. Je me
sens comme un petit pion inutile sur un immense échiquier
inconnu.
Il me fixe sans s'arrêter ; mon regard papillonne au hasard du
duvet de ses cheveux. Il est troublant de penser que peut
être, il ne cligne jamais des yeux. Ils brûlent ma peau
frissonnante. Je sens derrière ses iris immobiles un grand volcan
près à exploser.
Je suppose qu'il est en train de s'imaginer me découper en morceaux,
puis ranger les morceaux dans des sacs poubelles. Je suis mal à
l'aise. Je me balance nerveusement, la chaire de mes cuisses
s'enfonce alternativement dans la chaise.
Je ne sais même pas pourquoi je reste alors qu'il serait si facile
de repartir.
Sûrement qu'au fond, j'aime les âmes noires et sales, pleines de
gadoue dans les recoins. Les âmes de psychopathes et de
tueurs en série. Je les recherche parce qu'elles me sont familières,
un peu comme une vieille voiture qui manque de nous tuer à chaque
fois qu'on prend la route mais qu'on garde quand même par nostalgie.
J'aime le danger et ce qui sent le souffre.
Des volutes de vapeurs condensée monte du thé brûlant entre nous
deux. J'agite suspicieusement ma cuillère dans le fond de ma
tasse.
Je me sens disséquée sous son regard scrutateur, découpée
jusqu'au fond de mon âme. Mes sentiments sont étalés devant lui
sans discrimination, mes pensées les plus intimes sont
rendues publiques.
Je ne sais même pas ce que j'attends en restant ici, en acceptant
implicitement qu'il me torture ainsi. Probablement de finir dans ces
fameux sacs poubelles.
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